2 juillet 2025 – La réglementation pour décarboner les bâtiments au Québec : où en sommes-nous?
Camille Cloutier est avocate pour le Centre québécois du droit de l’environnement, organisme ayant pour mission de mettre une expertise juridique indépendante au service des citoyen·nes et de la protection de l’environnement.
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Au Québec, le chauffage des bâtiments est responsable d’environ 10% des émissions de gaz à effet de serre (GES) (1). Ce phénomène est largement dû à l’utilisation des combustibles fossiles dans les systèmes de chauffage, notamment le gaz naturel et le mazout (2). C’est pourquoi la « décarbonation des bâtiments » est une priorité de l’action climatique.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quelles sont les prochaines étapes attendues ? Voici plus de détails sur l’évolution du cadre juridique.
En 2020, le gouvernement du Québec adopte le Plan pour une économie verte 2030 (3), qui se veut une feuille de route pour la lutte contre les changements climatiques. Concernant les émissions de GES des bâtiments, il est question d’éliminer le chauffage au mazout, de «convertir partiellement» le recours au gaz naturel vers l’électricité et de miser sur l’injection de gaz naturel renouvelable (GNR) dans le réseau de distribution.
Qu’est-ce que le GNR ? Le GNR est un gaz naturel qui, comme le gaz naturel traditionnel, est composé essentiellement de méthane et émet des GES lors de sa combustion. Il se distingue car il est produit à partir de matière organique non fossile ou encore de certains types d’hydrogène (4).
En 2021, Québec adopte donc le Règlement sur les appareils de chauffage au mazout en vertu duquel il est désormais interdit d’installer de nouveaux appareils au mazout dans les bâtiments résidentiels ainsi que de réparer de vieux appareils ou les remplacer par un appareil alimenté par tout autre combustible fossile (5). Les mesures pour réduire le recours au gaz naturel se font toutefois attendre.
En 2023, estimant les efforts du gouvernement provincial et des distributeurs insuffisants pour atteindre nos cibles climatiques et se fondant sur leurs compétences en matière d’environnement et d’urbanisme (6), des municipalités annoncent leur propre réglementation pour éliminer graduellement les systèmes de chauffage alimentés par des combustibles fossiles des bâtiments résidentiels sur leur territoire (7).
Cette contribution municipale ramène le sujet à l’ordre du jour. D’abord, le distributeur Énergir intente un recours judiciaire contre la Ville de Prévost pour invalider le règlement de décarbonation, qui se solde par une entente hors cour et le maintien du règlement. Puis, le Québec intervient en adoptant la Loi sur la performance environnementale des bâtiments (8) dans le but de fixer des normes qui s’appliqueront partout au Québec.
Adoptée en début 2024, cette nouvelle loi demeure toutefois vague quant aux exigences qui s’appliqueront aux bâtiments et à leur consommation énergétique. Elle prévoit plutôt l’adoption d’un règlement par le gouvernement qui précisera des normes de performance des bâtiments et des moyens de mise en œuvre. À l’heure d’écrire ces lignes, le contenu de ce règlement n’est pas encore connu. Il pourrait par exemple inclure des normes quant aux appareils de chauffage, aux normes d’isolation, aux matériaux utilisés ou encore aux mesures de mobilité durable.
Une fois le règlement provincial adopté, les municipalités devront s’assurer de ne pas dédoubler la réglementation. Elles pourront toutefois adopter leurs propres normes si elles sont plus exigeantes (9). Si elles souhaitent s’attaquer au type d’énergie utilisée par les bâtiments, elles pourraient avoir à demander l’approbation du ministre de l’Environnement (10).
Pour en savoir plus sur les aspects juridiques de la décarbonation des bâtiments et sur les pouvoirs des municipalités pour lutter contre les changements climatiques, visitez le site web du CQDE qui fournit de l’information vulgarisée : à https://cqde.org/
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(1) MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES, Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2019 et leur évolution depuis 1990, 2021, p. 9, en ligne.
(2) Id., p. 41.
(3) GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Politique-cadre d’électrification et de lutte contre les changements climatiques, le Plan pour une économie verte 2030, 2020, en ligne
(4) Depuis 2019, un règlement oblige les distributeurs à assurer qu’un pourcentage minimal du gaz qu’ils distribuent à la clientèle soit composé de GNR (5% en 2025 et 10% en 2030)4 mais à l’heure actuelle, ces objectifs ne sont pas atteints. Voir Règlement concernant la quantité de gaz de source renouvelable devant être livrée par un distributeur, RLRQ, c. R-6.01, r. 4.3 et Hélène BARIL, «Énergir ne peut plus imposer le gaz renouvelable», dans La Presse, 24 février 2025, en ligne.
(5) Règlement sur les appareils de chauffage au mazout, RLRQ, c. Q-2, r. 1.1., art. 5 à 7.
(6) Effectivement, les municipalités du Québec ont de nombreuses compétences leur permettant d’agir dans la lutte contre les changements climatiques et pour la protection de l’environnement, notamment en matière de décarbonation. À ce sujet, voir CENTRE QUÉBÉCOIS DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT, collab. VIVRE EN VILLE, Les pouvoirs des municipalités de réglementer les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments, automne 2022, en ligne.
(7) Les villes de Prévost, de Mont-Saint-Hilaire, de Candiac et de Montréal ont annoncé qu’elles adopteraient un règlement à cet effet.
(8) Loi sur la performance environnementale des bâtiments, RLRQ, c. P-9.02.
(9) Id., art. 30 (pas encore en vigueur)
(10) Id., art. 31.
 
            




