L’évolution des pratiques agricoles au bénéfice de l’environnement

Depuis la fin de mes études à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) de Saint-Hyacinthe, il y a de cela 40 ans, les pratiques agricoles ont évoluées de manière phénoménale. À l’époque le labour était roi et il ne fallait pas qu’un seul brin d’herbe dépasse sinon on était jugé comme un mauvais laboureur. Nous avions des cours qui nous renseignaient sur les insectes nuisibles et les techniques à appliquer pour les détruire. Les insecticides étaient notre seul salut… J’avais mis la main sur un petit livre écrit par Jacques Petit dont le titre  Le compost  m’a vraiment intrigué. Ce mot ne faisait pas partie de mon vocabulaire et de celui de la plupart des gens à l’époque. Cette petite lecture m’a toutefois ouvert les yeux et m’a fait prendre conscience qu’on pouvait faire de l’agriculture plus proche de la nature et que le sol n’est pas qu’un simple support pour les plantes.

Au fil du temps, quelques agriculteurs ont débuté à appliquer certaines pratiques agroenvironnementales préconisées par le ministère de l’Agriculture. On parle de :
– Application de fumier au printemps plutôt qu’à l’automne ;
– Réduction des engrais de synthèse ;
– Plantation de haies brise-vent ;
– Réduction des surfaces labourées ;
– Établissement de bandes riveraines en bordure des fossés ;
– Adoption du semis sans travail du sol ;
– Semis d’engrais vert.

Ces façons de faire étaient nouvelles et ont été adoptées lentement parce que l’expertise pour bien les réussir était déficiente. En quinze ans, soit entre 1985 et 2000, nous sommes passés d’un petit groupe qui faisait des essais-erreurs à un bon noyau de personnes qui réussissait bien et qui avait la capacité de faire la promotion de ces bonnes pratiques.

À partir de ce moment, les nouvelles façons de faire ont été graduellement adoptées dans la majorité des fermes du Québec. Un paquet de facteurs ont contribué à leur adoption. :
– Une meilleure formation académique des futurs agricultrices et agriculteurs ;
– La menace des changements climatiques ;
– Les clubs conseil en agroenvironnement ;
– La pression des groupes environnementaux ;
– La règlementation du ministère de l’Environnement ;
– La demande des consommateurs pour des aliments plus sains ;
– Les programmes d’aides financières du MAPAQ (Prime Vert) ;
– La diminution des coûts de production et l’amélioration de la rentabilité des fermes qu’entraine l’adoption de ces bonnes pratiques.

Aujourd’hui, la très vaste majorité des entreprises agricoles ont adopté des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Cela est tangible avec le nouveau Programme de rétribution des pratiques agroenvironnementales du Plan d’agriculture durable du MAPAQ qui a connu un succès dépassant largement les prévisions. En effet, le fonds réservé de 14 millions a été réclamé en moins de vingt-quatre heures. Les entreprises agricoles sont donc au rendez-vous, mais on doit constater que l’encouragement financier du gouvernement (donc de la société) doit être ajusté.

Les agricultrices et agriculteurs du Québec ont fait des pas de géant au niveau de leur contribution à l’environnement dans les dernières décennies. Particulièrement ces 4 ou 5 dernières années où les bonnes pratiques se sont généralisées.

Nous avons encore beaucoup de travail à faire, peut-être autant que par le passé. Le grand objectif serait d’avoir une agriculture carboneutre et même qui pourrait bénéficier de crédits de carbone sur une plus vaste échelle qu’actuellement. Les façons d’y arriver seraient en outre d’avoir des bandes riveraines élargies, de planter plus d’arbres en milieu agricole, de mettre à profit l’agroforesterie et de garder nos sols sous couvert végétal le plus possible, mais selon moi un point demeure fondamental. Il faut améliorer la santé de nos sols en favorisant par tous les moyens possibles l’augmentation du taux de matières organiques. Cette augmentation a de formidables effets sur un paquet de facteurs à commencer par la captation du carbone dans l’air. Ça améliore aussi la structure du sol, ce qui le rend beaucoup plus résilient et résistant au passage de la machinerie.  Le sol est alors capable d’absorber et de conserver plus d’eau de pluie, de résister mieux à l’érosion tant hydrique qu’éolienne et de devenir plus aéré, ce qui favorise la prolifération de vers de terre et autres micro-organismes utiles.

En somme, l’agriculture constitue pour moi une sphère d’activités à haut potentiel dans l’objectif d’avoir une planète plus verte. Les agricultrices et les agriculteurs travaillent de mieux en mieux avec la nature, mais les défis sont grands pour l’avenir. Ceux-ci ont besoin de notre aide et de nos encouragements. Je suis très enthousiaste face au virage que prend l’agriculture au Québec actuellement. Chaque geste possible est crucial pour favoriser notre adaptation que nous imposent les changements climatiques.

Claude Lefebvre
Agriculteur
Maire de la municipalité de Baie-du-Febvre et préfet suppléant de la MRC de Nicolet-Yamaska
Président du conseil d’administration du CRECQ