La conservation des chauves-souris

Nos insectivores nocturnes en chute libre
Depuis les années 2010, on a remarqué un déclin catastrophique dans les populations de chauves-souris de l’est de l’Amérique du Nord. La cause ? Le syndrome du museau blanc (SMB) : une maladie fongique causée par un champignon d’origine européenne qui s’attaque aux chauves-souris. Celui-ci provoque le réveil fréquent de ces petits mammifères lors de leur hibernation et elles meurent alors souvent d’épuisement avant la fin de l’hiver. Dans certains lieux utilisés pour l’hibernation, c’est jusqu’à 100 % des chauves-souris qui sont mortes du SMB. En ajoutant à cela la perte d’habitats et le déclin des insectes, certaines des huit espèces de chauves-souris que l’on retrouve au Québec sont dans une situation hautement précaire. D’ailleurs, trois de celles-ci sont reconnues comme étant en voie de disparition en vertu de la Loi sur les espèces en péril.

Agir en terres privées
Alors qu’il n’est pas encore possible d’agir contre le SMB (il n’est pas simple d’introduire un antifongique dans l’environnement), la destruction de milieux naturels utilisés par les chauves-souris et leurs proies, les insectes, peut toujours être limitée.  Le territoire de la région du Centre-du-Québec étant à 97% en terres privées, la conservation d’habitats d’espèces en péril passe principalement par la sensibilisation des propriétaires ayant chez eux ces habitats. C’est plus de 50 propriétaires qui ont été rencontré(e)s  pour discuter des chauves-souris par le Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec (CRECQ) depuis 2017. Lors de ces rencontres, plusieurs actions sont proposées aux propriétaires pour qu’ils et elles puissent faire de la conservation volontaire sur leur terrain. Par exemple, cela peut être de conserver davantage de chicots, ces arbres morts ou mourants dont les cavités et l’écorce décollée servent d’abris aux chauves-souris. La réduction de l’utilisation de pesticides en milieu agricole et la conservation des milieux humides augmentent aussi la quantité d’insectes disponibles pour les chauves-souris. Ces insectivores nocturnes sont d’ailleurs reconnus pour contrôler efficacement les insectes nuisibles aux cultures, si on se cherche des raisons pour les protéger !

Apprentissages sur le terrain
Afin de mieux connaitre les chauves-souris présentes sur un territoire, le CRECQ et le Bureau Environnement de Wôlinak (BEW) s’adonnent à la réalisation de routes d’écoutes durant les chaudes nuits estivales. À l’aide de l’Anabat, une machine qui amplifie et enregistre les cris d’écholocalisation des chauves-souris, nous pouvons mieux connaitre les habitats préférés des chauves-souris et quelles espèces les occupent. Jusqu’à maintenant, on remarque que ces petites bestioles se retrouvent très souvent près des plans d’eau (source d’insectes !) et des lisières boisées ou des haies d’arbres assez hautes. C’est que le vent pousse les insectes à ces endroits et les chauves-souris en profitent.

Également, le CRECQ et le BEW réalisent des suivis de colonies maternités, ces endroits où les femelles chauves-souris se regroupent pour donner naissance à leurs petits durant l’été. Il s’agit souvent de greniers de maisons qui offrent une chaleur idéale pour elles. Si les chauves-souris n’ont pas accès à l’espace habitable, la cohabitation est totalement possible. Le CRECQ et le BEW en profitent d’ailleurs pour sensibiliser les propriétaires à conserver leur colonie. Lorsqu’on travaille en sensibilisation, il n’y a rien de plus satisfaisant qu’un(e) propriétaire auparavant craintif(ve) des chauves-souris devienne tellement émerveillé(e) par ces mammifères volants qu’il ou elle choisisse de leur laisser accès à leur grenier, murs ou soffite quelques mois ou années supplémentaires. Ces propriétaires pourront alors avoir la chance d’admirer le spectacle magnifique et maintenant tellement rare des chauves-souris en vol au crépuscule.

Rébecca Matte
Chargée de projets milieux naturels, Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec (CRECQ)